Guerre 14/18: courrier du front: Emmanuel LEMAIRE

le 28 juin 1914:

Assassinat à Sarajevo de l'archiduc François-Ferdinand

le 4 juillet 1914:

le Canada déclare la guerre à l'Allemagne

le 29 juillet 1914:

l'Autriche déclare la guerre à la Serbie

le 31 juillet 1914:

la Russie s'allie à la Serbie

le 1 août 1914:

L'Allemagne déclare la guerre à la Russie

le 2 août 1914:

MOBILISATION DE L'ARMEE FRANCAISE

le 4 août 1914:

L'ALLEMAGNE DECLARE LA GUERRE A LA FRANCE. ELLE PENETRE EN BELGIQUE.

le 5 août 1914: 

L'ANGLETERRE DECLARE LA GUERRE AUX ALLEMANDS APRES QUE CEUX CI SOIT ENTRE EN BELGIQUE

LA BELGIQUE DEMANDE DE L'AIDE A LA FRANCE. CELLE CI DECIDE D'ENVOYER 12000 HOMMES

1°feux de circulation à Cleveland

le 6 août 1914:

12000 SOLDATS FRANCAIS FRANCHISSENT LA FRONTIERE BELGE SOUS L'ACCLAMATION DE LA POPULATION BELGE

 

en vert:  Carnet de marche d''Emmanuel LEMAIRE après la Mobilisation Générale du 1°Août 1914 au 250°Régiment d'Infanterie.

 

 

LE 12 AOUT 1914: Début de sa Guerre:

arrivee a BETHUNE, caserne chambord, puis verse au college st vaast.

LE 13 AOUT 1914:

alerte.250 hommes de notre compagnie s'en vont vers LILLE.

le 15 août 1914: 1° traversée du canal de Panama

LE 23 AOUT 1914:

ils arrivent à wasquehal et croix en longeant la frontiere belge. Ils sont obliges de battre en retraite pour ne pas etre fauches par les mitrailleuses allemandes. Leurs vies, au 83° et au 8° territoriales sont bien eprouvees.

LE 25 AOUT 1914:

Changement de casernement, sommes affectes à Montmorency.

LE 26 AOUT 1914:

retour de nos camarades.

LE 27 AOUT 1914:

depart de bethune, formation de la cie de marche. Cantonnement à Bully Grenay. Logement dans une ferme de la commune de Bethune. Depart de Bully Grenay à 16h30. Arrivee à Beaumetz les loges vers 10h du matin. D'Arras à Beaumetz, on entend les canons français cernant les automitrailleuses allemandes. Cantonnement à Basseux dans une pature.
Plus à boire, par une chaleur torride. Sommes obliges de chercher un abri dans le bois d'Itres(somme).
Premiere alerte : nos sentinelles, placees en haut du bois de Beaumetz, aperçoivent un dragon. Cette sentinelle, prise de frayeur, tire sur le dragon, croyant voir en lui, un ulhan..D'autres sentinelles françaises, placees sur le territoire de Monchies, tirent également. Couchés dans une pature à Basseux, nous entendons siffler les balles. Nous bondissons sur nos fusils, l'erreur est reconnue..
Deuxieme alerte : 9 heures du soir, huit ou dix coups de fusil, tirés par l'avant poste, nous réveillent. Aucun résultat.
Depart 9 heures et demi du soir. Nous couvrons l'armée jusqu'à une heure du matin.

LE 28 AOUT 1914:

Arrive à Doullens sans encombres. Ponts sautés, nous sommes envoyés en cantonnement à Occoches. Cette partie d'étape est trés fatigante et les hommes trainent lamentablement.
La chaleur accablante et la grande fatigue ont raison des plus forts.
Aeroplane ? Couchons dans une grange en face du chateau.

LE 30 AOUT 1914:

Départ d'Occoches vers deux heures du matin. Alerte. Un cycliste militaire, ayant mal interprété les paroles du chef, vient nous avertir que le 273° est fusionné.
Nous partons, aprés avoir pris toutes les mesures recommandé en pareil cas et nous arrivons, sans avoir rencontré d'ennemis, à Longpré les corps saints.
L'étape fut dure et longue. La traversée de Domart en ponthieu prouva aux militaires combien etait fort l'amour du militaire...Distributions répétées de cidre, vin, poires aux soldats exténués. Meme enthousiasme à l'étoile, prés de Longpré.
Arret à 4 heures. Arrivé à Longpré, plus de depart. Les soldats, croyant s'embarquer pour Caen, sont desappointés et découragés. Nous  logeons dans une grande usine, face à la gare.

LE 31 AOUT 1914:

Départ à 4 heures vers Rouen. Traversons Airaines. La population affolée n'est pas disposée à faire plaisir aux soldats. Heureusement, les autres localités traversées (Epausmenil) font des distributions aux soldats : cidre, pain, beurre, à qui en fait la demande.
Arrivé à St Maulvis. Couché chez M...qui nous reçoit trés bien.
Durant cette étape, beaucoup de soldats exténués, s'arretent. Notre bataillon est trés fatigué.

LE 1 SEPTEMBRE 1914:

Départ de St Maulvis à 3 heures. Des ulhans ayant fait leur apparition à Poix, nous sommes obligés de précipiter notre départ. Passons à Aumale, puis arrivons à Marques. On enléve 75 hommes par cie pour les envoyer au depot de Caen. Je fait partie de la fraction expediée.
Nous prenons le train à Aumale. Nous embarquons vers 4 heures et demi pour Rouen. Arret une demi heure.
Avons vu des soldats anglais Highlanders et 79 blessés ayant des pansements à la tete.
A Elbeuf, distribution de café chaud, de pain au chocolat par les soins de la gare.
Arrivé à Bernay à 11 heures. Avons fait route avec quelques soldats anglais ; beaucoup d'amabilité de part et d'autre. Il y eut meme échange  de balles à titre amical, seulement...Durant tout le trajet, repas aux sardines...A l'arrivée, repas aux sardines...
Nous cantonnons à Les Loges. Nous logions, toute une compagnie, dans une ferme ou nous recevons le meilleur accueil. (M.Cousinard).
Faisons une bonne nuit et partons vers midi pour Bernay ou nous devons embarquer pour Caen. Nous montons dans les wagons à bestiaux à Bernay vers 3 heures, arrivons à Caen vers 19 heures 30.
Enthousiasme indescriptible, population affable et bienveillante. Couchons dans les nouvelles casernes d'artillerie dominant la ville, aprés avoir pris un peu de pain dans du café .

LE 4 SEPTEMBRE 1914:

 Le matin, nous visitons rapidement la ville. Vers  3 heures, nous prenons le train pour Perigueux, aprés avoir reçu, pour le voyage, un pain par homme. A Condé sur noireau, distribution incroyable. Les soldats remercient la population en chantant la marseillaise au depart du train.
A Flers, orage épouvantable, nous sommes trempés jusqu'aux os. Attendons cinq heures prés de Laval.
Nous partons à 6 heures du soir vers Périgueux à la vitesse moyenne d'un kilométre à l'heure. Traversons Angers. Nous rencontrons le 62° de Lorient. Tous les hommes ont la petite croix de drap rouge et des médailles de Ste Anne d'Auray épinglées à la poitrine et au képi.
Vallée de la loire. Traversons la Loire à Cinq Mars, Tours, Chenonceaux. Beaucoup de terres incultes, Chateauroux, long tunnel et grand viaduc, la Souterraine, arrivons à Limoges à midi.
Vu quelques effets de blessés du 84°, chaussures pleines de sang, traversées de 6 balles.
En gare de Mergon, voyons quatre wagons de soldats allemands prisonniers. A Buissière Galant ou se trouve le chateau de Viellecour reconstruit au 14° siécle sur l'emplacement de celui ou naquit St Vast, catéchiste de Clovis.
Nous arrivons à Périgueux et nous sommes immediatement expédié à à St Astier, bourg de 3200 habitants, situé à 21 kms de Périgueux. Nous cantonnons au Verdier (hameau) vers 7 heures du soir. Nous logeons dans une ferme (cuisine, porc salé), joli buffet ancien, fruits, citron, figues, pèches, raisins, truffes. (Mme Dorche).
Reçu pour la premiére fois (un départ de...).88 de nos camarades s'embarquent pour une destination inconnue.

LE 9 SEPTEMBRE 1914:

Visitons l'écluse et la cascade de la Mussoulie ; joli paysage, colline à pic, ramification du Massif Central.
Goutons la piquette, boisson rafraichissante mais peu appetissante. Dans les café, nous prenons du cognac excellent.

LE 10 SEPTEMBRE 1914:

Repos, promenades, vie meme agréable, la nourriture est assez abondante. Le moral du soldat est bon.
Les jeunes soldats de la classe 1914 arrivent avec les auxilliaires et les vieux territoriaux. Je suis désigné pour aller les chercher et les emmener au cantonnement. 36 heures de planton.
60 de nos camarades viennent d'etre désignés pour partir prochainement. Les fortes tetes et prétendus malades sont désignés d'office.
Depuis quelques jours, il pleut et les orages se succédent. On patauge  dans la boue.

 

                             Premiere lettre de EMMANUEL mon arriere grand pere de ST ASTIER

depart pour la guerre

st astier le 11 septembre 1914
  chère Jeanne, Chère mère, cher Henri
    Voila donc Jules Flory, prisonnier lui aussi, mais il a fallu de rien que je le soit le jour de mon arrivée sur le front. Heureusement que je sais encore courir et que je leur ai brulé la politesse. Mr Marmu, marchant à Rougefay, a du en assommer quatre pour se dégager. Tout n'est pas rose dans le métier que nous faisons en ce moment. Ainsi Emile et Henri sont aussi prisonniers. Si encore ils etaient traites comme les prisonniers allemands que nous voyons tout les jour... Je viens de recevoir la carte de Jeanne du 30 et j'ajoute un mot. Vous comprenez bien que, si je le peux, je tacherai d'obtenir une permission avant de retourner au feu. Seulement on ne donne plus de convalescence directement de l'hopital. Ici ce serait facile, mais on va à St Malo et là, on juge. D'ailleurs, je serais bientot fixe puisque me voilà gueri et qu'il faut faire place à d'autres. Ce que je crains le plus en retournant dans les tranchées, c'est l'humidité et comme j'ai deja eu des douleurs rhumatismales, elles pourraient bien me reprendre. Enfin il faut voir et ne pas se désoler d'avance. Je vois que le Walcom a bien rendu. Quant au tréfle, attendez qu'il géle pour le battre et faites le trier. Ecrivez moi ici jusqu'à ce que je vous ai donné une autre adresse, ajoutez seulement "du 250°". Adieu encore une fois, je vous envoie de gros gros baisers à tous. Bien des choses à Eugénie. Qu'Henri soit toujours bien sage afin que je vois qu'il a fait de grands progrés en classe lorsque j'aurai le bonheur de le presser sur mon coeur.
                      EMMANUEL


   Mon cher papa, je viens te remercier de ta priére. Je la réciterais chaque jour. Dieu m'exaucera et te raménera bientot parmi nous. Je suis bien sage. J'apprends bien mon catéchisme et mes leçons. Man Jeanne me les fait réciter chaque jour. Man aimée est encore avec nous. Elle me charge ainsi que maman Lemaire et maman Jeanne de t'embrasser bien affectueusement.
                     HENRI LEMAIRE

LE 12 SEPTEMBRE 1914:

Le reste du bataillon que nous avons quitté  à Aumale, arrive. Les hommes sont trés fatigués. Ils ont pris le bateau au Havre et sont descendus à La Palisse (Rochelle). L'un d'eux, gravement malade, donne de sérieuses inquiétudes.

LE 13 SEPTEMBRE 1914:

Ce matin j'ai eu l' agréable surprise d'avoir la visite d'Alfred et de Dumoulin. Il m'a dit que plusieurs térritoriaux du pays étaient ici.
Quand je le pourrai, j'irai à Razac ou il est logé.

LE 14 SEPTEMBRE 1914:

Conférence par le lieutenant sur la psychologie au combat. Causerie trés intéressante et vécue.
On s'arrache les journaux pour avoir la confirmation de la veille.
Les soldats sont pleins d'ardeur et les 120 hommes désignés pour la prochaine levée, montrent beaucoup de courage. Le bon ami Letaille est nommé caporal. J'ai vu à Astier, Grincourt de Mory

le 15 septembre 1914: 1°bataille de Champagne du 15 au 19  -  1°bataille de l'Aisne du 15 au 20

LE 15 SEPTEMBRE 1914:

Rien à signaler

 

St Astier, le 15 septembre 1914

        Chère Jeanne, chère mère, cher Henri

Je profite de ce que je viens de voir Octave pour vous envoyer de mes nouvelles pour Henri, croyant bien que celles la vous parviendront. Je suis toujours à St Astier (Dordogne), joli paysage mais sale pays. Loin des allemands. Comme vous le voyez, je crois que bientot nous rapprocherons le pays. On parle meme d'aller à Boulogne. Je suis toujours en bonne santé. J'espére que la guerre se terminera bientot et que nous pourrons enfin nous embrasser et faire en sorte que tout marche à souhait. En attendant, je le fais de loin, quelques 900 kms. Bien des choses à tous. Votre tout à vous.
              EMMANUEL
        J'ai vu Alfred à Razac. Il se porte bien. Je n'ai pas reçu de lettres de vous depuis notre départ de Bethune. Il faut espérer qu'on va rétablir les correspondances.
  Ecrivez toujours à Béthune 29° Cie de depot aux bons soins de la chambre de commerce. Aussitot que je le pourrai, je vous donnerai ma nouvelle adresse.

 

LE 16 SEPTEMBRE 1914:

Nombreuses revues. On nous équipe puis on reprend notre équipement pour le donner aux soldats du premier groupe.

LE 17 SEPTEMBRE 1914:

Nous touchons des armes 1886. Les fusils que nous avons, viennent des tués ou des blessés et tous sont maculés de sang. Nouvelle revue.
Le général attendu depuis 6 heures 30 du matin, ne vient pas. L'aprés midi se passe dans la meme attente.

LE 18 SEPTEMBRE 1914:

Beaucoup d'hommes se plaignent de violentes coliques. Les plus éprouvés se lévent 10 à 12 fois la nuit ( gare à la dysenterie...).

LE 19 SEPTEMBRE 1914:

Nettoyage des armes et des effets.Impossible de sortir le soir. Le camarade Letaille arrose ses galons de caporal.

 

Le 20 septembre 1914
 
  Suis toujours en bonne santé, mais quittons St Astier pour le 50° de Périgueux. Bons baisers.
                           EMMANUEL

 

LE 21 SEPTEMBRE 1914:

Nombreuses revues. Il faut 7 sous officiers, 3 caporaux et 20 hommes pour etre affectés à Perigueux. Je suis désigné...

 

 

St Astier, le 21 septembre 1914

   Je pensais vous envoyer ce mot par Henri Nivelle. Malheureusement, il n'est pas encore réformé et je n'est pas pu lui confier ce mot. Depuis cinq jours, il y a du changement. Presque tous nos camarades sont équipés pour partir. Quant à nous, nous partons pour Périgueux, incorporés au 50° de ligne. Est-ce mieux, est-ce pis? Dieu le sait. Enfin, ne vous faites pas trop de bile. Tout le monde n'est pas tué, et il faut bien faire son devoir. Ce qui m'ennuie, c'est de ne pas recevoir de vos nouvelles, cependant, un sergent de Frévent a reçu deux lettres de suite. Croyez-vous que c'est atroce de ne rien savoir des siens.

 

LE 22 SEPTEMBRE 1914:

Nous sommes désarmés à 9 heures. Alerte. Rentrée au cantonnement 1/2 heure aprés.

LE 23 SEPTEMBRE 1914:

Départ pour Périgueux à 12 heures 30. Arrivés vers 13 heures, nous traversons la ville et nous allons à la caserne Buzeaud, remplie de nombreux blessés, turcos, zouaves, assez gravement blessés. Je vois Joseph Haignerè, blessé d'une balle au poignée, mais à peu prés guéri. On noue expédie dans un couvent, belle propriété, mais mal entretenue. Nous sommes affectés à la 27° Cie du 250° Bataillon. Le soir, nous visitons la ville riche en curiosités et monuments historiques (vestiges d'arénes).

LE 24 SEPTEMBRE 1914:

On pense à nous habiller à neuf et à nous adjoindre le 99°territorial pour former un bataillon de marche. Le soir, nous avons visité quelques quartiers de la ville. La promenade longeant le musée du Périgord et la bibliothéque, est trés belle. De l'extrémité de cette promenade, on découvre un panorama magnifique (cure Bistro : l'abbé Chabot).

le 25 septembre 1914: offensive de St Mihiel

LE 25 SEPTEMBRE 1914:

On continue à nous équiper à trois heures, tir de 4 cartouches (mauvais tir). En revenant, nous rencontrons les facteurs, une petite lanterne suspendue à leur sac.

LE 26 SEPTEMBRE 1914:

Excercices sur le boulevard. Le soir, 20 heures, coucher.

LE 27 SEPTEMBRE 1914:

Marche le matin aux environs de Périgueux. Jolie promenade. Rencontré des paysans allant au marché. Ils nous accostentet nous interpellent en leur jargon que nous ne comprenons pas. Les fruits sont pour rien, 12 poires pour un sou, 6 peches pour un sou.

le 28 septembre 1914: Première bataille de l'Argonne du 28 au 1°décembre -  Bataille d'Anvers du 28 au 11 octobre

LE 28 SEPTEMBRE 1914:

Exercices sur le champ de course. Le soir, marche.

 

Périgueux, le 28 septembre 1914

        Chère Jeanne, chère mère, cher Henri

  Je vous écrit peut-etre pour la vingtième fois depuis que je suis dans le midi et cela sans savoir si une seule vous est parvenue. En tous cas, aucune des votres ne m'est arrivée et cela m'ennuie joliment. Je vais encore attendre un peu et ensuite, je risquerai une dépeche. Ecrivez moi tiujours et souvent afin qu'une de temps en temps, me parvienne. Bientot aussi, si vous voulez, vous pourrez m'envoyer un mandat télégraphique, car nous sommes dans un pays ou on ne donne rien pour rien et, en prenant le strict nécessaire, l'argent file mais rien ne presse encore.
    Resterai-je à Périgueux ? Nous n'en savons rien. Une dépeche arrive et une heure aprés, on est parti. Il faut boucher les trous et, à voir le nombre de blessés ici à Périgueux, il doit en falloir...Enfin, à la grace de Dieu, s'il le faut, on fera son devoir. En tout cas, on nous fait joliment turbiner au 50°.Cela ne vaut pas le régiment du Nord et de plus, les gars du Pas de Calais ont peine à se faire avec les soldats du midi.
  Je ne vous demande pas ou en est la culture. C'est difficile de se figurer d'ici et je me doute que Gout et Marcel, sous la conduite de M Devaux ont à coeur de faire leur devoir, eux aussi, afin que, lorsque je rentrerai, si toutefois je ne suis pas arreté en chemin, je vois à peu prés tout en ordre. J"espére que vous vous portez bien, qu'Henri est toujours sage et se prépare à retourner en classe. Il voudra bien souhaiter le bonjour à Mr Leclercq. A-t-il des nouvelles de ses enfants ? Joseph est ici à Périgueux, il a été blessé au poignet par une balle au premier engagement sous Verdun. Il est complétement guéri maintenant et s'il avait le droit, il retournerait bien en permission dans le Pas de Calais, mais c'est toujours zone interdite. Souhaitez bien le bonjour à Mr et Mme Delaire, Eugénie, Mr et Mme Devaux etc..Alfred m'a ecrit hier, il m'annonce qu'il est nommé caporal (bon courage que je lui souhaite..)
   je vous quitte encore une fois, chère Jeanne et chère mère. Bon courage, je pense toujours à vous et vous embrasse bien fort.
       Votre tout affectionné.
                     EMMANUEL
(lettre ecrite du bar central, 18, rue Gambetta à Périgueux).

 

LE 29 SEPTEMBRE 1914:

La Cie assiste aux obséques d'un colonel, mort de ses blessures. Colonel Blainville.

LE 30 SEPTEMBRE 1914:

On parle le soir d'un prochain départ. 100 hommes par Cie sont désignés.
                   C'EST MON TOUR.
La journée se passe à nous donner tout ce qu'il nous faut. Les coeurs commencent à s'attrister...Changement de sous-officiers, de caporaux. J'ai comme sergent et caporal, des auvergnats à l'air plutot rebarbatifs...Ils s'apprivoiseront bientot sans doute, car, on n'a pas affaire à des bleus avec les gars du Pas de Calais...

le 1 octobre 1914: Bataille d'Arras du 1° au 7 octobre

LE 1 OCTOBRE 1914:

Partons à 5 heures 30. Passons à Limoges.

 

Carte du 1er octobre 1914

           Chère Jeanne, chère mère,

     Je suis désigné pour partir bientot ; quel jour ? Nous ne le savons pas encore. Ne vous ennuyez pas trop, tout le monde n'est pas tué là bas, seulement certes on n'est plus chez soi et les privations de toutes sortes nous attendent. "Aléa jacta est". Embrasse bien fort Henri pour moi et plus que jamais, qu'il prie pour son papa. Celui qui pensera toujours à vous.
                 EMMANUEL

Un bonjour aux amis, parents et camarades. Partons aujourd'hui à 11 h. Je n'ai pas encore reçu de vos lettres, quoique celles du Pas de Calais commencent à arriver. Vous a-ton pris des chevaux ? A quoi en etes-vous des labour ?

Périgueux le 1er octobre 1914

           Chère Jeanne, chère mère,

     Je suis désigné pour partir bientot ; quel jour ? Nous ne le savons pas encore. Ne vous ennuyez pas trop, tout le monde n'est pas tué là bas, seulement certes on n'est plus chez soi et les privations de toutes sortes nous attendent. "Aléa jacta est". Embrasse bien fort Henri pour moi . Que plus que jamais, il prie pour son papa. Celui qui pense toujours à vous.
                 EMMANUEL

à l'adresse de Mme E.Lemaire à Boffles par Fortel (P.de C) via Boulogne sur mer.

 

LE 2 OCTOBRE 1914:

Partons à 6 heures à St Sulpice Lanner. Rencontrons trois trains d'Hindous à 7 heures 30 en route pour ou..??
Avons un sergent épatant de Clermont.

                                        SUITE SUR UN DEUXIEME CARNET.
                                                                               JAMAIS RETROUVE......

 

 

Boffles, le 6 octobre1914

         Bien cher Emmanuel,

  Suis bien désolé que tu ne reçoives pas nos lettres. Recevons la plupart des tiennes et celles du 28 et 1° octobre. Courage, nos coeurs sont avec toi. Le ciel te preserveras. Tu es parti le 1° octobre, c'est un heureux anniversaire : le Rosaire. Ne t'inquiétes pas pour ici, les seigles et les hivernages semés, onze mesures de ble labourées, pommes de terre arrachées, betteraves en route. Léon nous préte main forte. T'enverrons un mandat vendredi, si nous pouvions, t'enverrions linge et couverture, si tu veux et reçois notre lettre. Ton parrain Deschamps est mort huit jours aprés ton père. Puisse cette guerre se terminer bientot et revenir le plus vite possible.

   Pensons à toi tous les jours avec Henri et surtout le soir et aussi la nuit.
        T'embrasse affectueusement

                 Ta mère.
                             Félicité POULAIN

 

Somme, le 7 octobre 1914

           Chère Jeanne, chère mère, cher Henri

      Me voici bien rapproché de vous, mais, bien entendu, je ne peux pas vous dire ou. Depuis trois jours, je suis sous le feu et je vous assure que ce n'est guére trés amusant. Enfin, il faut bien faire son devoir. Jusqu'à présent, je n'ai pas une égratignure et cependant, Dieu sait s'ils nous en envoient des obus à mitrailles. Il faut espérer que je finirai la campagne sans etre trop éclopé. D'ailleurs, j'ai donné votre adresse à un camarade qui vous préviendra en cas d'accident. Je vous en prie, faites dire une messe à mon intention le plus vite possible et ne vous désolez pas trop, ce n'est pas avec des larmes que cela va mieux. Embrassez bien fort mon Henri pour moi comme je le fais, de loin, pour vous. Dites bien des choses chez Eugénie, embrassez ses enfants. Je remercie Lucile de sa carte, c'est la seule avec une lettre de Jeanne que j'ai reçue. Bien des choses chez Mr Devaux et à tous les amis. Pardonnez mon griffonnage, je vous écrit sur mon genou dans une piéce de betteraves ou nous sommes depuis minuit. Encore une fois, ne vous désolez pas trop, tout le monde n'est pas tué, heureusement. Adieu et à plus tard la réunion, il faut espére et recevez, mes biens chers le meilleur souvenir de votre mari, père et fils.
                    EMMANUEL

250°Régiment d'infanterie, 20°Cie, Périgueux. (faire suivre)

 

le 8 octobre 1914: Bataille du quesnoy en santerre qui prendra fin le 30 octobre grâce au 4° C.A

 

Le 10 octobre 1914

  N'ecrivez plus à cette adresse jusqu'à présent. Je vous enverrai ma nouvelle adresse à mon arrivée à l'ambulance, alors, vous pourrez m'y envoyer une dépèche avec un mandat, les fonds baissent. De gros baisers à tous.
                        EMMANUEL
      Je continue ma lettre du 10, aprés le combat. Les boches m'ont fait garder un souvenir de leurs pruneaux en m'envoyant une balle qui m'a enlevé que le cuir chevelu, prés de la tempe. Ce ne sera rien, mais je suis évacué pour une destination inconnue, jusqu'alors. Dans huit jours, je serai guéri et si c'est possible, je tacherai d'avoir une convalescence. Je remet ma lettre à Joseph Marchand que je viens de rencontrer. Il vous souhaite bien le bonjour à tous, il est au Génie. Ne vous désolez pas, je n'ai qu'une égratignure...

 

Dinan, le 13 octobre 1914

       chère Jeanne, chère mère, cher Henri

   Puisque j'ai grandement le temps, je viens longuement aujourd'hui causer avec vous, non de ce qui est passé, des bons et surtout des mauvais moments. J'ai fait mon journal de campagne et il sera toujours temps de vous le lire lorsque nous serons, que Dieu le veuille, réunis pour ne plus nous quitter.
  D'abord je voudrais savoir si les allemands ont poussé jusque chez vous et si vous n'avez pas eu à souffrir de ces barbares. Il suffit de moi, mais puisque je suis soldat le métier veut cela, mais vous ? Enfin j'ai bon espoir qu'ils ne sont pas passés chez vous et qu bientôt on les aura chasser de France. Nous sommes ici à Dinan on ne peut mieux, choyés par de saintes femmes, qui lors de notre arrivée, ont poussé le dévouement jusqu'à nous laver les pieds. Ce sont des soeurs de St Vincent de Sales et dire que l'on chasse de pareilles femmes. Un aumônier vient deux fois par jour nous visiter et nous réconforter par de bonnes paroles, nous donner des médailles, etc...La nourriture est bonne et suffisante et surtout la tranquillité, loin des canons, des balles, de la mitraille. Quel changement avec la vie de tranchée. Des soldats de Boffles, en a-t-on des nouvelles ? Que sont devenu Henri Potiez, Emile Deplanque qui étaient à Maubeuge. J'ai entendu dire que le bataillon de cuirassiers avait été décimé. Il est probable qu'on ne le reverra plus. Je n'ai plus de nouvelles d'Alfred et j'ai bien peur qu'il ne soit venu dans le Nord lui aussi. Enfin, il faut bien espérer que, comme le disait Mr le curé de Fortel, nous nous retrouverons tous au salut d'action de grâce aprés la guerre.
  Avez-vous reçu Bichette et cela sans trop de difficultés, papa étant mort. A quoi en est la culture ? a-t-on commencé à semer ? ne vous mettez pas en retard et que tout le monde s'y prête, avec de la bonne volonté on arrive à bout de tout. Quant au betteraves à sucre, je crains bien que nous les aurons pour nous. Enfin, mettez les toujours en silo aussitôt l'arrachage. Avez-vous pu conserver le double Walcom pour semer ? Si on vous a réquisitionner du blé, il était facile d'en donner de l'autre. Avez-vous semer un coin d'avoine d'hiver ? quelquefois, je me creuse la tête et vous ne vous figurez pas la difficulté que j'ai de coordonner mes idées aprés plus de deux mois. D'ailleurs, faites pour le mieux. Vous avez bien fait de prendre Léon. On n'a jamais trop de personnel. Bon courage les enfants, vous combattez vous aussi à votre manière. Il faut savoir à l'occasion se priver d'une grosse goutte en songeant combien sont couchés à la belle étoile et souvent le ventre creux. Aussi je verrai tout comme à l'ordinaire lorsque je retournerai. Le petit poulain se redresse-t-il un peu ? Lui coupe-t-on les pieds de temps en temps ? Dites bien des choses de ma part à Eugénie, Mr et Mme Delaire, embrassez Lucile, Jean et le petit...pour moi. Je remercie Lucile de son mot. Bien le bonjour à Mr le Curé, à Mr et Mme Devaux, au personnel de la maison, à Mr Leclercq dites lui que j'ai reçu une lettre de Michel venant de Belgique en date du 20/08, la seule avec celle de Jeanne du 22/09 et la carte d'Henri. Veuillez, je vous prie, ne pas oublier de m'envoyer un petit mandat, non pour ici, mais pour la suite et croyez toujours à l'affection de votre mari, père et fils.
                  EMMANUEL
En traitement à l'hôpital annexe des Salésiens- Dinan (côtes du Nord )

 

le 13 octobre 1914: invention du masque à gaz -  Bataille de l'Yser du 14 au 26

 

le 18 octobre 1914:

Emmanuel a reçu une lettre d'Alfred
(voir le 21 oct.)

 

Dinan, le 21 octobre 1914
 
  Chére Jeanne, chére mére, cher Henri

  Je me décide à vous envoyer encore cette lettre, bien que, probablement, c'est en pure perte, puisque voici plus d'un mois que je n'ai rien reçu de vous. Je vous demandais un mandat télégraphique, rein ne vient. Il faut croire que rien ne marche plus dans le Pas de Calais. Pourtant, j'ai reçu le 18 une lettre d'Alfred me disant qu'Eugénie lui avait écrit et que tout allait bien à Boffles, donc je peux trouver cela bizarre, bien que, croyez bien que je ne vous accuse pas d'indifférence. Notre vie ici s'écoule monotone. Quel changement avec les premiers jours d'octobre. Mon Dieu quel enfer, et cependant, sans doute que d'ici peu, il faudra y retourner. Que vous dirai-je encore : que je vous souhaite une bonne santé, dites bien des choses chez Eugénie, Mr et Mme Devaux et tous ceux qui parlent de moi. Voici venir la Toussaint, combien je voudrai etre à Boffles afin de prier sur la tombe de papa. Enfin, je prierai de loin et y serai de coeur avec vous ce jour. En attendant la grande joie de nous revoir, je suis votre dévoué.

                        EMMANUEL

Hopital annexe des Salesiens-Dinan (cotes du nord)

 

Dinan, le 24 octobre 1914 (hopital des Salésiens)

              mes biens chers

      je suis encore sans doute, pour quelques jours à l'hopital. Il faut espérer que d'ici je retourne à Périgueux, j'aurai reçu de vos nouvelles. c'est en vain que j'attends le vaguemestre.
                
                         EMMANUEL

à l'adresse de Mme E.Lemaire à Boffles par Fortel (P de C) via Abbeville

 

Dinan, le 24 octobre 1914

            Chére Jeanne, chére mére, cher Henri

   Cette fois, les correspondances arrivent réguliérement. Ce midi j'ai reçu la lettre de Jeanne du 20, la carte d'Henri et celle de Mme Devaux. Je ne suis plus si seul, il me semble, et cela réconforte. Ecrivez-moi souvent donc. Je suis bien heureux que vous etes toujours en bonne santé et que le travail n'a pas l'air de souffrir. Bien au contraire, il me semble que vous allez joliment vite : déjà les betteraves arrachées, cela ne traine pas, ce sera toujours cela que les boches ne vous abimeront pas, bien que je doutes peu qu'ils n'aillent jamais à Boffles. Surtout que je crois qu'ils doivent en ce moment recevoir une bonne rossée qu'ils n'ont pas volée les C...Enfin il vaut beaucoup mieux etre en avance qu'en retard, et puis si vous le pouvez, vous pourrez peut etre labourer avant l'hiver le mont de Boffles, vous jugerez. Jeanne me demande conseil pour le petit poulain puisqu'il tord en dedans, si je me rappelle bien il faut lui couper en dehors. D'ailleurs vous pourriez demander conseil soit à Mr Anatole, soit à quelques cultivateurs faisant des poulains. Ce que je crains le plus c'est que quelque jour, on ne vous prenne Marmotte, car quantité de chevaux sont tués ou morts. Il faudra les remplacer ! avez-vous été payé de Bichette et des autres réquisitions ? Jeanne me parle de ma blessure, comme je disais dans ma carte que j'envoyais, je crois, à Mr Delaire, elle ne me fait guére souffrir à part la bosse que j'ai encore et qui m'empechede me coucher sur le coté gauche. Mais le major vient de m'annoncer qu'il va me l'ouvrir pour voir ce qu'il y a dedans, probablement un morceau de plomb, car vous n'ignorez pas qu'ils tirent des balles explosives : ce doit etre un éclat. J'en tiens donc encore pour au moins 8 ou 10 jous d'hopital. Quant à la convalescence, il ne faut pas trop y compter. Une fois qu'ils me renvoient au depot à Périgueux pour quelques temps, c'est tout ce que je demande. Ensuite, à la grace de Dieu. J'ai d'ailleurs bon espoir qu'on se reverra et un peu de misére, aprés tout, ne fait pas mourrir, on se remet quand on est bien soigné par les siens surtout. Vous me dites qu'Alfred est avec les plus vieux, tant mieux. Ce que je lui souhaite, c'est qu'ils ne voit jamais ces scenes de carnages, d'enfer ou l'esprit est tendu nuit et jour, sans répit et ou les plus forts finissent par succombés. Adieu, encore une fois, je vous embrasse bien fort tous et souhaite le bonjour à ceux qui parlent de moi. Votre mari, fils et père.
                        EMMANUEL

 

Dinan, le 29 octobre 1914

              Chére Jeanne, chére mére, cher Henri

        Je vous avais fait une carte lorsque j'ai reçu une lettre d'Alfred m'apprenant son départ  de Razac pour sens (Yonne). Peut-etre en a-t-il prévenu sa femme, en tout cas ne lui dites pas de suite. Il rapproche un peu, quoique n'étant pas prés des boches. Ce n'est pas comme moi qui ait débarqué à 4 H du soir pour aller coucher dans les tranchées à 200m d'eux. Enfin, voilà toujours bientot 3 semaines que je suis ici loin de la mitraille et cela repose et prépare à de nouveaux assauts. Il me communique une lettre d'Eugénie croyant que je ne reçois pas de nouvelles de vous, l'adresse de Marius Leclercq à qui j'ai envoyé une carte aujourd'hui. J'ai toujours ma bosse à la tete, le major ne parait pas pressé de me l'enlever et moi non plus, je ne réclame pas c'est toujours cela de gagné. Lorsque le régiment est parti de Bethune, j'etais de garde à la prise d'eau de Fonquereuil, je suis donc parti en y laissant, en plus de mes habits civils, mon caleçon, mon tricot et mes chaussettes. On m'a donné un caleçon à Périgueux. J'ai acheté des chaussettes et j'acheterai un tricot sitot qu'il fera froid. Ne pourriez vous pas m'envoyer, par poste recommandée, un passe-montagne, une paire de chaussettes et un peu de bon tabac. Faites un petit paquet comme cousu dans un mouchoir, cela m'arrivera et me fera plaisir puisque cela viendra de vous.
Comme Jeanne me le recommande, je vous ecrit tous les jours. Faites en autant, vous ne sauriez comme on entoure le vaguemestre lorsqu'il arrive à midi. Je suis content qu'Henri est toujours bien sage et qu'il a repris ses études. Qu'il apprenne bien. Demain j'irai en ville lui acheter une carte speciale pour lui et lui enverrai aprés demain. C'est une priére, qu'il  l'apprenne et Dieu l'exaucera...
  Hier et aujourd'hui, 35 de nos camarades sont partis rejoindre leur dépot. Ils n'auront pas comme moi le bonheur de feter la Toussaint ici. J'espére que vous n'avez pas peur de boches ; il faut bien espérer qu'on arrivera à les repousser et qu'ils n'iront pas vous dévaster. C'est trop affreux ou ils passent et il faut espérer aussi que là Dieu nous protégera. Vous souhaiterez bien le bonjour à tous, écrivez-moi souvent, une lettre est si vite faite. Remerciez Mme Devaux de sa bonne carte, je lui en enverrai une autre un des jours.
        De gros baisers à vous tous et en particulier à Henri.
                     EMMANUEL
Lorsque vous m'ecrivez, mettez donc votre adresse derriére l'enveloppe, de cette façon si la lettre ne me parvenait pas, elle doit vous etre retournée et vous saurez que je ne l'ai pas reçu. J'ai attendu un jour à vous envoyer ma lettre afin d'y ajouter ce que j'avais promis à Henri, je suis certain qu'il sera content. Un bon souvenir.

le 30 octobre 1914: première bataille d'Ypres du 30 au 15 nov.

 

Dinan, 31 octobre 1914

        Chére Jeanne, chére mére, cher Henri

    Je m'empressede répondre à la lettre de maman, datée du 21/10 et que je viens de recevoir aujourd'hui le 30. D'abord ma blessure va aussi bien que possible, ce matin, le major l'a regardée, il est indécis s'il va me laisser ma bosse ; cela n'est guére génant mais cependant je tiendrais à ce qu'elle disparaisse. Enfin, il faudra bien faire comme il jugera. Bientot probablement, je serai dirigé sur St Malo et de là, sur mon dépot. Je vous préviendrai d'ailleurs à ce moment.
   Déjà deux détachements de blessés arrivés avec moi, sont partis et je suis resté, je ne puis guére tarder. Si Dieu veut me conserver la vie, il le fera tout aussi bien sur le front qu'ici, car je dois vous dire qu'il y a la fiévre typhoide.
  Vous me parler d'une lettre M, dans une lettre que je vous ai envoyé, je dois vous avouer que je ne sais plus quoi. Envoyez moi donc la phrase entière, je vous dirai quoi.
   Oui certes le travail ne traine pas, c'esr ce qu'il faut, mais comme vous dites avoir des mulots, il faut crosquiller avec 3 chevaux sur les blés semés, ils s'amusent et on peut en faire encore quelques mesures dans une journée (une mesure= 42 ares 91).
  Quant au charrois, comme je vous le disais, on charge moins et on en vient à bout tout de meme. Mettez les sucriéres en silo de suite afin qu'elles ne perdent pas trop de poids.
  Eugénie vient de m'envoyer une carte, veuillez l'en remercier. Je lui répondrai un des jours. Enfin je suis bien contentvous sachant en bonne santé et aussi je vois que tout va bien. Quand pourrais-je moi aussi me remettre à la tache, enfin à la grace de Dieu ? Demain, la Toussaint, j'irai communier. Dans ce métier il faut toujours etre prét. Ecrivez-moi toujours souvent, je m'ennuie lorsque je suis deux jours sans avoir de lettre. Bien le bonjour à tous et à vous mes meilleurs baisers.
                  EMMANUEL
 Zoé a-t-elle toujours peur des boches et a-telle trouvé sa cachette dans les bois ? Henri a-t-il reçu sa carte ? Adieu mon coco. Hier j'ai fait, en me promenant en ville la rencontre d'une Françoise de Moncheaux. Elle m'a dit qu'à la suite de revers, elle est venue ici etre servante. Nous avons causé un moment, elle doit venir demain au salaisien m'apporter une bouteille de vin.

 

Dinan, le 1° novembre 1914
 
   Chére Jeanne, chére mére, cher Henri

        Je m'empresse de répondre à vos lettres du 23, 26 et 27 que je viens de recevoir en bloc, surtout pour vous dire que j'ai bien reçu votre lettre recommandée datée du bureau de poste de Fortel du 18 octobre avec le mandat de 25 frs. Quant à l'autre lettre avec mandat de 25 frs adressée à Périgueux et celle avec bon de poste, je ne les ai pas reçues. Je ne sais pas si je retournerai à Périgueux, car alors, je pourrais demander au vaguemestre du 250° s'il les a reçues. Enfin, ne perdez pas vos talons afin de pouvoir réclamer à la poste si c'est necessaire.
  Si en ce moment, je reçois régulièrement vos lettres et cartes, il faut bien espérer que cela continuera. Aussi, je vous prie, vous aussi de continuer à m'ecrire souvent. Il y a toujours à dire et dans un quart d'heure, on peut en mettre.
       Je viens de me confesser à un pretre habillé en soldat : tout ce qu'il faut voir dans sa vie ! Enfin, maintenant, on peut affronter d'autres combats,on est cuirassé et, avec l'aide de Dieu, on en sortira. Aujourd'hui, nous avions deux messes à la chapelle improvisée ici, et le soir, salut. J'y prierai pour vous tous et, en particulier, pour papa et pour parrain. Que c'est étrange, mourrir tous les deux si jeunes et presque en meme temps. Cette semaine, je demanderai à l'abbé Ruau (le soldat) qu'il veuille bien dire une messe ici pour le repos de  leur ame et j'y assisterai.
        Adieu, mes biens chers, je vous embrasse de loin en attendant le jour de la réunion. Espérons qu'elle ne sera pas trop éloignée. Un gros baiser à Henri. Votre tout dévoué.
                   
                            EMMANUEL

 

Dinan, le 3 novembre 1914, 10H

             Chére Jeanne, chére mère, cher Henri

     Depuis hier soir je n'ai plus de bosse à la tete, il n'y avait pas de corps étranger dedans, simplement un dépot sanguin avec des petits morceaux d'os à cause de la contusion que j'avais eu en recevant la balle. Tout va pour le mieux, et si j'ai le bonheur de retourner un jour au pays, Jeanne ne retrouvera pas un mari trop endommagé...
Cependant, je dois dire que pour l'enlever j'ai du passablement souffrir quoique je sois assez courageux et que notre major soit trés doux ; maintenant il n'y parait plus. Je suis donc encore à l'hopital pour quelques jours avec un bandeau sanguinolent à la tete ! Autant de jours pris sur l'ennemi. Je vais attendre que le vaguemestre soit passé afin de voir ce qu'il a pour moi. J'achéverai ma lettre ensuite et vous renseignerai. J'ai envoyé une carte à Alida pour lui demandé des nouvelles d'Augustin. Ai-je bien fait ? Henri doit avoir reçu la carte priére; en est-il content ? Deux heures : je continue ma lettre ayant reçu votre lettre recommandé. Je croyais que c'etait votre mandat carte mais j'ai été déçu. Je suis vraiment désolé que vous croyez que je ne reçois pas vos lettres. Je les reçois trés bien au contraire maintenant. J'ai reçu la lettre recommandé avec les 25 frs adressée à Dinan. Je ne suis donc pas sans argent et je vous assure que je ne dépense pas sans motif. Ne vous ennuyez donc pasJe suis sans doute pour plus de 8 jours ici avec mon coup de bistouri. Vous pouvez donc m'écrire ici avec certitude que vos lettres et paquets me parviendront. Comment me suis-je donc exprimé dans mes dernieres lettres pour vous faire croire que je ne recevais rien  ? Quand je serai de retour au dépot, je vous enverrai ma nouvelle adresse. En attendant écrivez moi toujours ici, on me les fera parvenir. Hier, j'ai écrit au vaguemestre du 250° à Périgueux pour lui demander s'il avait reçu des lettres à mon adresse avec priére de bien vouloir me les adresser ici. Aurai-je du succés ? peu probablement. Enfin, ne vous désolez pas avec vos talons de mandat vous pourrez toujours les toucher quand vous aurez la certitude que je ne les ai reçus. En attendant le plaisir de vous lire de nouveau, bien des choses à tous, et à vous, mes meilleurs baisers.
                         EMMANUEL
Puisque vous etes en avance pour vos travaux, aprés avoir battu, vous pourrez vous mettre à ronner. Inutile d'aller vite puisque les chevaux sont fatigués, une demi-journée à la fois suffira peut-etre. Vous ne me dites pas si on vous a r2quisitionné des vaches ?
Je viens de recevoir la carte de Jeanne, datée du 30 et j'ajoute ce mot. Vous comprenez bien que si je le peux, je tacherai d'obtenir une permission avant de retourner au feu. Seulement, on ne donne plus de convalescence directement de l'hopital, ici, ce serait facile, mais on va à St Malo et là, on juge...
   D'ailleurs, je serai bientot fixé puisque me voilà guéri, et qu'il faut faire de la place à d'autres...Ce que je crains le plus en retournant dans les tranchées, c'est l'humiditéet, comme j'ai déjà eu des douleurs rhumatismales, elles pourraient bien me reprendre...Enfin, il faut voir et ne pas se désolé d'avance. Je vois que le Walcom a bien rendu, jamais plus mal. Quant au tréfle, attendez qu'il géle pour le battre et faites le trier.
        Ecrivez moi ici, tant que je vous ai donné une autre adresse, ajoutez simplement 250°.
         Adieu encore une fois, je vous envoie de gros baisers à tous. bien des choses chez Eugénie. Qu'Henri soit toujours bien sage afin que je vois qu'il a fait des progrés en classe lorsque j'aurai le bonheur de le presser sur mon coeur.
            EMMANUEL

 

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